S’il n’est pas compréhensible, pourquoi avoir gardé ce texte de Spinoza ?
Parce que l’idée musicale me vient de lui, tout simplement. Même si le texte n’a pas de sens dans la partition, il a une logique musicale.
Quel est le rôle de l’électronique au sein de ce projet compositionnel – ce jeu avec les attentes du public ?
L’électronique en est protagoniste à part entière. Son rôle est d’interrompre le cours du discours, celui de la voix ou celui des instruments. Lorsque l’on regarde un tableau cubiste, on tombe parfois sur une perspective totalement inattendue et le regard se brise à cet endroit-là : de même, par la surimposition de ses timbres souvent étranges, l’électronique est ici catastrophe, au sens de rupture, de cassure de la forme. Par exemple, des sons diffusés par des haut-parleurs placés dans la caisse du piano, avec la pédale forte enfoncée, font sortir de l’instrument des couleurs tout à fait inattendues, pleines d’harmoniques, tout en localisant très précisément le son.
En quoi consiste justementl’électronique ?
Le gros défi a été de créer les deux synthétiseurs, joués par la même personne sur deux claviers placés sur scène avec les autres instrumentistes. Le premier est un synthétiseur vocal. Il figure un « chœur » – principalement construit à partir d’échantillons de la voix de la chanteuse – et est diffusé sur des enceintes juste derrière les claviers (il n’y a pas de spatialisation, tout est frontal). Le second est un plus
« instrumental » : je le réalise entièrement en essayant de lui donner une identité propre. Enfin, une troisième électronique plus « orchestrale » vient compléter le tableau.
Comment l’électronique s’insère-t-elle au sein de l’ensemble, qui est somme toute essentiellement chambriste : voix, piano et violon.
J’ai justement voulu préserver ce caractère chambriste. J’y tiens : j’aime la nudité du musicien dans la formation de chambre.
Pourquoi travailler avec des synthétiseurs ?
L’avantage énorme que présente la synthèse sonore, c’est de pouvoir composer en entendant des sons. Au surplus, ce sont des sons que l’on façonne nous-mêmes : on utilise alors l’électronique comme un piano ou un violon, en apprenant sa technique.